L’ego n’est pas un lego (5)

La vie est un long fleuve tranquille.

Non ?

Apparu à la fin des années cinquante, les antidépresseurs ont connu une forte hausse de consommation dans les années 1990. Ces médicaments psychotropes associés au traitement de la dépression ont pourtant une efficacité, selon certaines études, à peine supérieure au placebo. La pharmacologie des antidépresseur n’est pas totalement élucidée. Le mécanisme d’action de ceux-ci est basé sur l’hypothèse monoaminergique qui postule que la dépression serait due à un déséquilibre en sérotonine, dopamine, et noradrénaline dans le cerveau. Cette hypothèse n’a jamais été prouvée.

Elle correspond en grande partie à la vision biomécanique de la psyché. Tout vient du cerveau, à commencer par la conscience. Un paradigme qui a encore de beaux jours devant lui.

Parallèlement à celui-ci, on trouve tout un courant de pensée qui met en avant que le désordre psychique est avant tout un déséquilibre intérieur mettant en jeu le rapport de l’individu à soi-même. L’on parle alors de développement personnel, de travail sur soi avec plus ou moins de rapport avec une forme de spiritualité.

J’ai longtemps adhéré à cette conception holistique de l’être humain, jusqu’à en apercevoir les limites. L’axe principal de cette démarche consiste à dire que le bonheur est avant tout une affaire de responsabilité personnelle, donnant ainsi à penser que le Moi est par essence constructible.

Disons le tout net : après une trentaine d’année consacrées à des formes d’introspections plus ou moins prononcées, je n’ai toujours pas le sentiment d’avoir obtenu un forme de stabilité durable.

Finalement donner à pense que le Moi est constructible est une chimère, tout comme ces bonnes résolutions que l’on prend en début d’année et qui s’effilochent l’année passant. Cela a pour effet d’insister sur la responsabilité de l’individu par rapport à lui même et donc, la plupart du temps, d’aboutir à une forme de culpabilité ou d’anormalité. Dans un contexte judéo-chrétien, il s’agit de faire correspondre son attitude et certaines valeurs morales dans une recherche d’équité morale. Le Moi serait alors une construction de soi même vers le Bien.

Lorsque l’on parle de choix, on parle également de critères. Outre que de définir ce qui est le Bien, il peut s’avérer très tentant pour un pouvoir, qu’il soit personnel, communautaire ou sociétal, que de manifester sa puissance en intervenant sur ces critères. S’il est subtil, il multipliera les formes de ceux-ci en élargissant l’offre tout en faisant passer leurs qualités réelles à aider la personne à opérer un véritable choix, au second plan. L’on trouve cela dans le langage publicitaire qui établit le fait que plus, c’est mieux, au détriment de la nécessité et de la pertinence.

La publicité suit un procédé systématique. Elle définit tout d’abord un cadrage, avec un premier plan, ce qui est défini comme important ou nécessaire, et un second plan, un paysage, une formulation de l’espace qui, bien que particulier, tend à se proposer comme universel. Cette formulation de l’offre unifie les critères en les simplifiant au maximum pour s’adresser à l’imaginaire, donc à la psyché, c’est à dire l’ensemble des résonances que le fait extérieur produit à l’intérieur de soi. Elle agit comme le chant des sirènes en énonçant le merveilleux comme un moyen de retrouver une forme fœtal, indifférenciée, unificatrice et sécurisante. La cible c’est l’enfant. Et tout comme Ulysse le remède est le mat ou les bouchons de cire. Le désir, l’éros, se substitue à la raison. Le merveilleux marin annonce un immortalité qui occasionne également la perte du moi dont Neptune est le symbole. Une symbolique qui est à ce point importante et essentielle dans la nature humaine qu’elle exerce un pouvoir de fascination telle, qu’elle est irrésistible. La seule vrai question ici est de savoir s’il l’on est près à mourir. Une dynamique qui engendre également le fanatisme.

En d’autres termes énoncer le moi comme constructible, c’est sous tendre sa finalité qui est le terme de toute de vie : la mort.

Attention : je ne nie pas l’importance de la recherche du bien ou du bonheur. Que nous ayons besoin de cadres, c’est un fait. Mais il s’agit là de règles et non de lois. Elles sont alors disciplines, ascèces , pratiques, exercices. Elles contribuent à borner le chemin mais ne sont pas le chemin. Le moi n’est pas constructible mais il cherche à s’édifier.

Le Moi est en fait révolutionnaire. Il tourne autour d’un centre interne qui est solaire. L’évolution du Moi s’opère par rapport à l’amour. Sa possibilité de transformation, de transmutation, est le désir de la chenille à devenir un papillon. C’est le passage de l’Ego vers le Soi au travers du Moi.

En fait la seule chose que nous ayons vraiment, c’est soi même, sa propre nature. Et donner à penser qu’il faut faire un travail sur soi, qu’il faut se construire, qu’il y ait quelque chose en soi à changer, arrive rarement au résultat que l’on souhaite, si tenter que le bonheur est une finalité que l’on voudrait permanente.

Je n’ai rien contre le développement personnel mais proposer ces moyens comme des buts à atteindre peut se heurter à une forme d’exigence personnelle ou extérieure qui ne va que mettre en évidence le travail qui reste à accomplir. En gros c’est combattre l’Ombre au profit de la Lumière, et cela ne marche pas comme cela. Aller mieux ne signifie pas aller bien.

Pour être tout à fait clair sur ce point, je vais me permettre d’ajouter un élément tout à fait personnel.

Il se trouve qu’à trente trois, j’ai vécu une expérience de la Lumière, une théophanie, qui m’a enlevé tout doute au sujet de la réalité de celle-ci. Après cette apocalypse, j’ai vécu une plénitude intérieure pendant deux à trois mois. Un état de grâce, une proximité, une intimité avec le feu intérieur qui peu à peu s’est éteint. Cela a été très difficile de quitter cela. Il ne reste en moi qu’un minuscule grain de sable. Un grain que nous avons tous. La seule différence, c’est que j’en suis conscient : je sais que c’est là. Cela fait partie de moi comme ma peau, mes ongles ou mon foie. Cela a cette évidence là. Je sais que l’amour inconditionnel est une réalité. Je sais aussi que c’est une essence, trop puissante pour exister pleinement dans le monde matériel sous peine de le réduire en cendres et d’occuper tous les espaces.

Il m’a fallu donc redescendre de la montagne et continuer mon chemin dans le monde des hommes. Et donc retourner aussi vers l’Ombre. Je comprends tout à fait ces gens qui ont vécu une NDE et qui sont revenus comme à regret.

La vie est une expérience, individuelle et globale. L’homme est venu pour parfaire l’humanité et accomplir sa divinité. Il se peut qu’un jour nous n’ayons plus besoin de mourir pour accomplir le but de l’âme, car celle-ci est un outil. Elle n’aura plus alors de raison d’être, et Karma et Dharma seront enfin unifié.

En attendant ce dernier Adam et Eve, la dualité, la polarité est encore le meilleur moyen de se rendre compte de l’unité primordiale de l’Ombre et de la Lumière. En fait seule la lumière existe vraiment, l’Ombre n’est qu’une ombre. Elle n’a pas d’existence propre, c’est la matérialité, la réalité qui la rend visible. Tout comme la terre porte une ombre sur la lune. La Lune c’est l’âme et comprendre la Lune, symboliquement, c’est comprendre la nature humaine. Comprendre la Femme, c’est entendre l’Homme.

Alors non, l’égo n’est pas un lego. Il est cet enfant qui grandit, se déploie autant qu’il se métamorphose.

Je vais m’efforcer d’être synthétique.

J’ai ce sentiment qu’une vision de l’être humain purement mécanique et une conception de celui d’un point de vue plus spirituel et humaniste sont les deux faces d’une même pièce. Elles laissent à penser qu’une forme d’action est nécessaire pour retrouver une forme de normalité, d’équilibre. Il s’agit de mettre en jeu une dynamique, externe ou interne, qui tendrait à une stabilisation temporelle des émois psychiques, individuels et collectifs.

Ces stratégies, à long terme, échouent toutes. La crise du Covid révèle combien notre système civilisationnel est fragile, incomplet, instable, dangereux même. Les futurs sont floutées parce nos racines sont hors sol.

Il est vraiment temps de comprendre que le plus grand inconnu reste la nature humaine. Je ne crois pas qu’il soit possible de se passer d’une complète réévaluation de celle-ci. Refaire de l’Homme un complet inconnu m’apparait indispensable. On est passé à côté de quelque chose. Et déconstruire nos a-priori culturels m’apparait comme la première étape.

Il y a une nouvelle genèse à accomplir.

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