La Lune noire (4)

Tout d’abord, je préciserais que le Lune noire dont il va être ici question est à distinguer de Lilith, qui dans l’astrologie est un astéroïde dont interprétation est associé à la dette karmique. Dans la tradition juive, Lilith est la première femme d’Adam, avant Eve, et si mon interprétation a un rapport proche de la symbolique de celle-ci, elle s’en détache par l’approche que j’en fais.

Ce que je retiens tout d’abord de l’astre lunaire, c’est sa nature cyclique. Les différentes phases lunaire : la pleine lune, le premier croissant, la nouvelle lune et le dernier croissant, sont des aspect du Moi dont on ne tient pas suffisamment compte.

Le Moi est avant tout une figure féminine. J’oserai dire que le centre de notre être est d’abord une femme, le sexe étant une différenciation physique et secondaire par rapport à la nature de la psyché. C’est pourquoi la Lune, en tant que symbole, est si riche en enseignement quant à la nature de celle-ci.

En regardant de plus près, on s’aperçoit que notre intériorité est elle aussi cyclique. C’est ce que l’on peut appeler l’humeur avec tout son cortège d’état d’être, de maussade à joyeux, mélancolique ou euphorique.

Je constate également que nous mettons en avant essentiellement une seule des phases de celle-ci : la pleine lune, brillante et bien ronde, associée au sentiment du bonheur et d’une forme de contentement, de plénitude. Cette forme est aussi devenue le symbole de la femme en tant que mère, disponible et attentive, présente et lumineuse. Un rôle culturel qui s’est figé à contrario de la nature réelle de la lune, contredisant son aspect évolutif et cyclique, et que l’on a également enfermé dans une dualité contraignante en supposant que la lune noire, son ombre était un état contraire à la bonne image de la femme. Une perversion patriarcale pour qui cette part là est négative et impropre.

Car de ce fait, on passe alors du cycle à la linéarité, en perdant de vue que le Moi est une succession de phase qui va de l’ombre à la lumière puis de la lumière à l’ombre avec des phases de croissance et de décroissance, sans réel point de départ ou d’arrivée. Nous sommes ici dans un flux constant, circulaire qui fait de la fin un commencement, et de l’achèvement une fin.

L’on remarquera également que la lune ne dispose pas de lumière propre. Elle reflète la lumière du soleil, ce qui est un indice de plus concernant la la nature matricielle du Moi. La psyché, à la base, reçoit une lumière qui lui est extérieure, d’où sa perméabilité au récit.

Le symbole rejoint le réel. Ce qui compte dans l’astrologie, c’est aussi la nature astronomique du système solaire. En regardant d’un peu plus près ce qui se passe tout là haut, on conçoit mieux que ce qui se passe tout en bas.

C’est pourquoi lorsque que l’on observe notre satellite, en prenant en compte que le symbole est là pour attirer notre attention sur quelque chose, il est inutile et dangereux d’opposer la lumière à l’ombre, ni même d’en faire des compléments. La lune est là pour nous rappeler le caractère unitaire de l’être humain, mais que la vie va colorer de différentes façons. Nous sommes bien là dans un processus d’aller et retour, ou plutôt de double spirale ascensionnelle et descendante : l’une va de la périphérie vers le centre, et l’autre du centre vers la périphérie. Un symbole, la spirale, que l’on retrouve très souvent dans la culture celtique et bon nombres de civilisations premières.

Comprendre ceci est fondamental. Non seulement cela nous permet de sortir d’une logique strictement causal, mais cela met aussi en évidence certaines idées fausses, comme par exemple que le moi est constructible. La phrase de Nietzsche sur l’éternel retour : « mène ta vie en sorte que tu puisses souhaiter qu’elle se répète éternellement. » prend ici un tout autre sens. Je reviendrais sur cet aspect dans un article qui lui sera dédié.

Si la pleine lune peut être associée au caractère maternel de la femme, dispensatrice de vie, son pendant, la nouvelle lune, ou Lune noire, contient tous les archétypes de la destruction, de la mort. On retrouve cette corrélation entre ces deux aspects chez nombres de divinités anciennes. La déesse égyptienne Bastet, lorsqu’elle est représentée par un chat, symbolise la maternité, la douceur du foyer et la chaleur du soleil. En revanche, sous les traits d’une déesse à tête de lionne, elle s’identifie alors à la redoutable déesse de la guerre, Sekhmet.

Nous retrouvons cet aspect fatal et destructeur dans la Gorgone, ou Méduse, dont les yeux ont le pouvoir de pétrifier quiconque croise son regard. A noter qu’en grec ancien, méduse signifie régler, proteger, régner sur. C’est une forme qui va plus loin que la dualité vie/mort. Elle suggère un pouvoir fondamental, ultime, sans concession, qui se légitime par sa volonté de préserver la vie au delà de l’aspect individuel. Il suggère que, comme l’humus, le nouveau nait du terreau des formes anciennes.

La Lune noire personnifie l’entropie du cycle matériel et émotionnel, c’est à dire une dégradation d’énergie qui devient incapable de maintenir la forme éternellement mais qui en suggère également sa renaissance. La psyché agit de même. Mue par un instinct de vie et de préservation, elle tend vers une sécurité qui peut empêcher la guérison en laissant faire. Le lâcher prise est alors une façon d’engager le processus de transmutation, un principe cher aux alchimistes, qui permet de passer de la matière noire, le plomb, à l’or. Un acte qui non seulement engage l’individu tout entier mais qui nécessite également une force vitale exceptionnelle. Nous retrouvons cette dynamique dans la chenille, la chrysalide et le papillon. C’est comme si, en quelque sorte, le féminin, loin du processus de croissance et d’élévation solaire, se trouvait engager dans un processus de métamorphose. Il est acceptation sans renoncement, l’accomplissement par la transformation.

Ainsi, la Lune, la psyché, le Moi, est engagé dans un processus cyclique d’évolution et de transformation qui initie à chaque fois l’étape suivante. Le processus de guérison accomplit un mouvement naturel plutôt qu’il ne cherche à réparer l’ancien.

Une maturation qui n’est pas du tout reconnue par les valeurs culturelles et civilisationnelles de notre société contemporaine. En figeant dans telle ou telle image, elle supprime l’évolution au profit de l’involution. Elle découpe en petits bout le ruban de la vie pour leur donner une autonomie sans axe ni sens.

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