
« Pour l’astrologue, la lune témoigne de la part d’âme animale où domine la vie infantile, archaïque, végétative, artistique et animique de la psyché. C’est la sensibilité de l’être intime livré à l’enchantement silencieux de son jardin secret, de l’impalpable chanson de l’âme, réfugiè dans le paradis de son enfance, replié dans son chez-soi. »
Dictionnaire des symboles – Jean chevalier – alain gheerbrant
Lorsque l’on étudie les mythes qui sont à l’origine du récit propre à chaque culture, passée ou présente, on constate que c’est tout un ordre du monde qui est mis en place. Un ordre qui détient ses propres valeurs quant à la nature des éléments qui le constituent ainsi que des individus a propos de leur rôle et de leur place dans celui-ci.
On peut se poser la question de savoir ce qui nous rend si poreux à ce discours. Pourquoi y somme nous si sensible ? Comment se fait-il que nous puissions à ce point identifier un élément culturel, circonstanciel et relatif, à une réalité intangible et irrévocable. Pourquoi, finalement, notre culture nous parait si naturelle.
Pour expliquer cette porosité, deux faits me semblent important.
Le premier est que nous ne naissons pas adulte, mais fragile et dépendant. Une absence d’autonomie, propre aux mammifères, qui met en évidence le rôle majeur des tiers extérieurs, en premier lieu les parents et plus particulièrement la mère pour la petite enfance. Ce temps enfantin est également celui où l’imaginaire reçoit l’extérieur. Nous sommes comme une cire chaude sur lequel le cachet va se presser. Ainsi le langage, et le récit qui accompagne l’enfant, restera à jamais nos prémices originelles. Elles constituent les racines, la pierre angulaire de notre psyché. A l’instar des poupées gigognes, ce petit enfant est ensuite recouvert par des structures qui vont l’envelopper.
Ainsi le monde va être celui qu’on nous dit qu’il est.
Le second est que ce petit enfant est une structure matricielle que l’on peut aussi appeler le moi. Ce moi subsiste tout au long de l’existence, il constitue le cœur de l’individualité. Il est un ensemble donné, déterminé, qui précède l’existence du monde. Il est également le siège, le lieu où vont s’opérer toutes les transmutations. En premier lieu, et avant toute chose, nous somme une matrice.
Le point de vue que je défend est assez simple : que nous soyons garçon ou fille, l’enfant est d’abord une matrice indifférenciée sexuellement. La psyché est à l’origine androgyne, c’est à dire une polarité non égale, certes, mais qui ne fait pas de choix. En cela, la psyché conserve un caractère unitaire, un au delà sexué qui accueille tout aussi bien le masculin que le féminin. Sexué ne veut pas dire sexuel. Le petit enfant intérieur nous rappelle ce temps où il n’y avait pas de dualité. Il renvoie également à ce temps indifférencié du fœtus.
Le moi est une matrice, un vase, une coupe, un Graal, l’œuf cosmique qui va engendrer une manifestation par l’union des polarités positives, Yang, et des polarités négatives, Yin.
Les polarités positives sont des déterminants dans le sens ou elles cherchent à avoir une action modificatrice sur les choses. Celles-ci produisent du sens, elles ont donc une forte valeur informative. Dans le champ du réel, du manifesté, les déterminants sont l’ensemble des informations passées, présentes et futures. Ceux-ci occupent la totalité de l’espace disponible et sont par conséquent potentiellement infinis. En tant que tel, ils ne peuvent pas être appréhender dans leur totalité, d’une part parce que l’espace occupé est toujours en expansion, et d’autre part parce que la conscience ne peut englober l’infini. On est pas très loin, ici de la théorie des ensembles de Georg Cantor.
Parmi ces déterminants, on va trouver par exemple, le langage, le récit, le sens, les lois et les règles, la conscience, … En somme tout ce qui permet de sortir de l’indifférencié, du flou, de la pénombre, de l’obscur. C’est le fait de se poser une question et d’y répondre. Le souci est que nous ne voyons qu’en de très rare occasions le caractère transitoire des réponses données. On dit bien que la nature a horreur du vide. En fait ce n’est pas la nature qui éprouve ce frisson mais le moi.
Le moi, l’individu, soi-même, chacun de nous, est lui aussi un ensemble. Il est aussi un déterminant, dans le sens où il est sous tendu par une intention qui se valide par la pertinence de son action. Il est un sous ensemble de la réalité. Toutefois le contenu de ce champ d’action n’est pas empli de déterminants mais de déterminés, particules élémentaires négatives, qui en tant que tel, ne produisent rien mais désirent.
Elles correspondent à l’animal, au végétatif. Tout de ce qui fonctionnent en nous sans avoir besoin d’autre justification que le fait de nous maintenir en vie. L’instinct de vie, l’Eros, face au Thanatos, la mort, la cessation de l’intégrité physique.
Dans ces déterminés, on va aussi y trouver tout ce qui concerne l’instinct religieux, le désir de transcendance. Je ne parle pas ici de croyances mais du désir que chacun peut d’avoir du bonheur, de quelque chose en nous qui souhaite une plénitude accomplie. Du coup cela peut être aussi bien Dieu que son job (pas celui de la Bible …).
Une autre caractéristique de la matrice est qu’elle est essentiellement alimenté par cette énergie, dominant chez l’enfant, qui est l’imaginaire.
L’imaginaire est ce réel subjectif non tangible, alimenté par l’environnement, dont on nous demande de nous débarrasser à l’adolescence, plus ou moins, pour laisser place à une réalité objective et intangible supposée être, par notre culture, supérieur.
Pour un enfant, la distinction entre les deux n’existe pas. L’enfant vit dans un tout unifié qui place sur un même plan extérieur et ressenti.
L’imaginaire est un terreau qui va être ensemencé par ce qu’on lui soumet. Nourrir son imagination, développer son imaginaire. La richesse et la diversité de ces graines vont largement contribuer au développement futur de la conscience. Ces deux points vont être les branches d’un éventail qui sera plus ou moins ouvert. Pauvre et uniforme, l’éventail sera fermé.
Je parlais de cire chaude précédemment, et c’est bien ce qu’il faut comprendre dans l’importance du récit donné à l’enfant. Pour lui, ce qui est dit est vrai. La parole est immédiatement vrai, car elle est semblable à cet état d’innocence que l’on a dans le récit de la chute de l’homme de la Genèse, un état d’avant le bien et le mal, dénué de cette capacité à confronter la vérité au mensonge.
En un mot, l’enfant est crédule. Il est donc, en ce sens, complètement assujetti à l’intention du discours, et à la responsabilité de celui qui l’énonce.
L’imaginaire enfantin est également caractérisè par le jeu et les rôles que l’on y prend. Il y a dans le psyché cette façon que l’on a de se raconter à soi même des histoires où nous tenons le devant de la scène. On est ici dans la symbolique du héros et de l’Ombre, que l’on retrouve traditionnellement dans le signe du Cancer et de la maison IV, tous deux associés à la Lune.
Il s’agit là du récit intérieur basé sur la mise en avant de l’individu. Un besoin qui vient équilibré ou compensé une fragilité inhérente à l’enfant et que l’on retrouve également dans le féminin. Face aux ombres, un héros se dresse. Tout comme la lune, notre psyché infantile, tend a refléter la lumière du soleil, qui dans ce cas, ressemble à l’amour, désignant alors notre capacité à aimer et à être aimé. Il ne s’agit pas là d’un désir d’attention mais de l’expression d’une toute puissance, d’une exigence même, de l’égo a exister, a dire : « MOI ».
Il y a vraiment en nous le désir d’être un héros. Notre cinéma intérieur, en cela, est le reflet des légendes, mythes, récits fictionnels, films sur écran. Une expression indispensable à notre équilibre mental, physique et psychique. Tous les recits suscitent en tout premier chef notre imaginaire. Ils sont les échos de ce désir d’être quelqu’un, de trouver sa place, des repères. Ils nous fécondent, littéralement.
Ce moi, lunaire et féminin, est donc la personnalité première. Il est le socle de l’individu. Dans un thème astral, le soleil et son signe zodiacal, vient ensuite, en second. Ce sont tous deux un couple sacré qui met en évidence notre polarité individuelle, avec toutefois des aspects différents ayant leurs propres caractéristiques, valorisé dans l’interaction qu’ils ont entre eux.
Pour comprendre la nature du moi, l’étude de la Lune en tant que symbole permet de soulever une dynamique que j’étudierais dans l’article que je vais consacrer à la Lune Noire.